On se souvient de la grande déception des membres de la Convention Citoyenne pour le Climat lorsque la proposition de « crime d’écocide » a été remplacée par « délit d’écocide ». Les accusations de vouloir saper les intentions du mouvement et de vider une bonne partie du rapport, rendu au gouvernement, de son contenu, avaient alors été bon train.
Une fois encore, la sémantique risque fort d’être source de contrariétés en s’attaquant au projet de loi inspiré par la CCC concernant l'article 1er de la Constitution. Le 16 mars dernier, l’Assemblée Nationale avait adopté le texte initial : « la France garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique». Suite à cela, le rapporteur LREM du texte à l'Assemblée nationale, Pieyre-Alexandre Anglade, avait rappelé que « La majorité présidentielle a tenu ses engagements en votant mot pour mot la proposition de la CCC ». Rappelons que le président Macron s’était également engagé à organiser un référendum sur le climat.
Toutefois, la perspective de ce référendum vient de s’éloigner. Le Sénat, composé à majorité d’élus de droite, rejette le texte en l’état et a proposé de le remplacer par : « la France préserve l'environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la charte de l'environnement ».
Pour l’executif, la volonté de LR de vouloir saborder le projet de référendum ne fait aucun doute. Le macroniste Laurent Bonnaterre a immédiatement réagi en déclarant : « Là, ils n'y sont pas allés de main morte. Ils ont retiré tous les verbes d'action alors que nous ne sommes justement plus dans le temps de l'incantation ! Un référendum pour dire que l'eau ça mouille, ça n'a pas de sens ». Et le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, de rajouter : «Mais aujourd'hui la balle est dans le camp du Sénat. (...) Il y a aujourd'hui une volonté, visiblement des sénateurs, de torpiller la proposition de la Convention citoyenne sur le climat ».
Si le gouvernement veut pouvoir organiser le réferendum, le texte doit être adopté à l’identique par l’Assemblée nationale et le Senat. Or, la reformulation du texte l’en empêche. «Si les sénateurs ne votent pas cette proposition» inspirée de la CCC, «ça veut dire qu'ils empêchent la tenue d'un référendum», insiste le porte-parole du gouvernement.
Chaque camp se renvoie la balle. Pour le groupe LR, il s’agit manifestement d’une manœuvre du gouvernement. Bruno Retailleau le président du groupe LR à la Chambre haute déclarait que « avant même que le Sénat n'ait voté quoi que ce soit et que la discussion avec l'Assemblée nationale ne s'engage, Emmanuel Macron nous accuse de blocage pour justifier l'annulation d'un référendum dont il ne voulait pas. La manœuvre et l'hypocrisie seront la marque de cette dernière année de mandat ». La sénatrice LR Céline Boulay-Espéronnier a même été plus loin en déclarant : « il ne faut pas s'y tromper, complète la sénatrice LR Céline Boulay-Espéronnier. Coincée entre les élections régionales et la fin du quinquennat, la fenêtre de tir est trop mince pour eux. Alors la majorité prend la responsabilité de retirer le référendum car ils s'aperçoivent que ce n'est pas bien ficelé. Mais ils veulent faire porter le chapeau aux sénateurs ».
De son coté, le gouvernement a réaffirmé par la voie de son porte-parole sa volonté de maintenir le référendum et rejette la responsabilité sur le parti LR : « le Sénat a adopté en commission un texte qui n'est pas celui que les citoyens avaient proposé et cherche probablement à enterrer (le référendum). Il peut encore se raviser. On souhaite que ce référendum ait lieu, on ne l'enterre pas du tout ». «C'est l'engagement du président de la République» a-t-il rajouté.
Le texte est discuté en ce moment en séance publique. Si au bout des discussions, les deux versions ne sont toujours pas identiques, le texte devra retourner à l’Assemblée Nationale et commencera sa « navette » afin de trouver un terrain commun. Comme le rappelle Laurence Maillart-Méhaignerie, la présidente LREM de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire à l'Assemblée nationale : « C'est au gouvernement de décider si la navette parlementaire se poursuit ou pas. Moi, je le souhaite». Dimanche, Emmanuel Macron s’est exprimé en faveur d’une relecture du texte. Selon lui, le texte doit « vivre sa vie parlementaire qui seule permet d'aller au référendum si les sénateurs et les députés s'accordent » « Les citoyens qui ont travaillé doivent être respectés »et le Parlement« doit être respecté ». Il a terminé en ajoutant : « Ce dont je suis le garant, c'est qu'il n'y aura pas d'abandon. »
Il ne reste plus maintenant qu’à souhaiter que l’exécutif et le Senat mènent des négociations constructives ; même si le calendrier électoral risque de jouer les trouble-fêtes. Réponse dans les prochains jours.
Publié le 10/05/2021 18:41
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