Mr. François CARNINO, conférencier sur l'alimentation végétale chez L214
Bonjour Monsieur Carnino,
Permettez moi, tout d’abord, de vous remercier d’avoir accepté notre interview avec notre journal. Notre entretien portera essentiellement sur l’alimentation végétale. Vous nous expliquerez ce qu’un régime dépourvu de viande peut avoir de bénéfique pour notre santé et les implications qui existent avec l’environnement et le climat. Mais avant d’en arriver la, voici ma première question :
- Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous expliquer en quoi consiste votre travail au sein de l’association L214 ?
Je suis François Carnino, et je travaille chez L214 depuis maintenant 8 ans. Aujourd'hui, je me consacre à la sensibilisation sur le sujet de l'alimentation végétale. Cela passe notamment par des interventions et des conférences auprès des étudiants, du grand public ou même des entreprises.
- Avant toute chose, quelle définition donnez vous à l’alimentation végétale ?
Une alimentation végétale se veut plus respectueuse des animaux et de l'environnement. Les produits d'origine animale comme la viande, le poisson, ou les œufs seront remplacés par des alternatives végétales comme les légumineuses, le tofu, le seitan, etc. Les alternatives sont nombreuses et on découvre bien souvent plus d'aliments et de plats lorsqu'on d'intéresse à la cuisine végétale !
- Selon vous, quels sont les principaux avantages d’une alimentation végétale pour la santé ?
Une alimentation végétale bien menée, variée et équilibrée est bonne pour la santé à tout âge de la vie. Elle présente des bénéfices en termes de prévention de certains problèmes de santé encore très courants : maladies cardiovasculaires, obésité, cancers du système digestif, et diabète de type 2.
- Ces avantages sont ils validés par la communauté scientifique ? On entend beaucoup de docteurs parler des méfaits et des déséquilibres engendrés par une alimentation végétale, qu’en pensez vous ?
Ces avantages sont établis au niveau scientifique. Comme pour toute alimentation, il est important de veiller à l’équilibre nutritionnel sans quoi certains problèmes peuvent survenir. Cela est bien souvent causé par un manque d’information au sujet des alimentations végétales : aujourd’hui les recommandations nutritionnelles en France ne donnent que très peu de conseils aux personnes qui choisissent d’adopter une alimentation végétale. Il y a bien entendu certains points de vigilance à avoir, notamment au niveau de la vitamine B12, mais l’alimentation “standard” comprend aussi certains points de vigilance, même s’ils sont différents.
- Quels sont les différents types d’aliments végétaux que nous pouvons consommer afin de couvrir l’ensemble de nos besoins et notamment, nos besoins en protéines puisque je crois savoir qu’il s’agit, la, du principal point d’achoppement avec les détracteurs du régime végétalien ?
Les besoins en protéines sont très facilement couverts par les légumineuses et leurs dérivés (tofu, lait et yaourt de soja par exemple). On peut aussi se tourner vers des aliments moins connus comme le seitan qui est à base de protéines de blé. Il est capital de prendre un complément de vitamine B12 : cette supplémentation est également conseillée pour les personnes qui choisissent de réduire leur consommation de viande, comme cela a été établi par l’ONAV (Observatoire National des Alimentations Végétales). En effet, la vitamine B12 ne se trouve que dans les produits d’origine animale.
- Quels sont les aliments essentiels que l’on trouve principalement dans les aliments d’origine animale et comment les remplacer dans une alimentation végétale ?
La viande peut aisément être remplacée par les légumineuses. De nombreuses alternatives existent pour les recettes qui utilisent des œufs. Concernant le fromage, le marché des fromages végétaux est en plein expansion et de plus en plus de produits sont disponibles. Ces derniers sont souvent à base d’oléagineux comme les amandes ou les noix de cajou. Pour le poisson et les fruits de mer, les saveurs marines peuvent se retrouver en incorporant des algues aux recettes.
- Une interrogation qui revient fréquemment et erreurs sont nombreuses, pouvez nous rappeler la différence entre un régime végétarien et végétalien ?
Une alimentation végétarienne exclut la viande et le poisson, tandis qu’avec une alimentation végétalienne, on se passera également des œufs et des produits laitiers.
- Ne pensez vous pas que le régime végan est un peu trop extrême et dangereux pour la santé ?
C’est un reproche fréquent que l’on fait à l’alimentation vegan, mais en réalité il n’en est rien ! Végétaliser son alimentation permet bien souvent de découvrir de nombreuses autres recettes et une autre manière de se nourrir. Au niveau de la santé, le consensus scientifique est très clair : les alimentations végétales sont viables à tout âge de la vie, y compris pour les personnes pratiquant un sport de manière intensive.
- J’imagine que vous vous réjouissez de l’introduction d’un menu végétarien obligatoire dans les cantines ? Est-ce suffisant pour vous ou faut-il aller plus loin ? Légiférer dans ce domaine par exemple.
Effectivement, il s’agit d’un bon premier pas ! Cependant, cette mesure reste plutôt symbolique : le nombre de repas sans viande qui sont servis est assez faible. Au vu de l’urgence climatique et de l’omniprésence de l’élevage intensif, il nous faut végétaliser massivement l’offre en restauration collective et prendre des mesures incitatives. Gardons à l’esprit que l’élevage est aujourd’hui l’un des principaux contributeurs au réchauffement climatique. Une approche légale et réglementaire permettrait d’accélérer ce processus.
- Selon vous, faudrait-il adopter la même démarche dans les entreprises ?
Complètement ! Les entreprises doivent s’engager et participer à l’effort collectif de construire un système alimentaire et agricole durable.
- A votre connaissance, y a-t-il des pays dans le monde qui sont bien plus en avance que nous en la matière et chez qui cela fonctionne très bien ?
De nombreux pays européens ont une avance considérable sur le sujet : Allemagne, Belgique, Portugal, etc. On peut aussi mentionner l’Angleterre qui est probablement la plus avancée sur le sujet. Cela passe notamment par une offre bien plus importante en restauration mais aussi dans la grande distribution, mais aussi une culture et un état d’esprit qui considère le véganisme et le végétarisme comme quelque chose de positif.
- Nous nous sommes entretenus il y a quelques temps ici même avec Madame Gothière, fondatrice et Présidente de L214, sur les dégâts de l’agriculture intensive. Etes vous aussi d’avis que ce mode d’agriculture est délétère pour notre environnement et notre planète ? Et si tel est le cas, comment faudrait il procéder selon vous ?
En effet, l'élevage intensif est un fléau sur tous les plans. Au niveau environnemental, ses émissions massives de gaz à effet de serre ne sont plus à prouver, sans parler de la pollution des cours d’eau et de la mer par les nitrates (algues vertes). Au niveau sanitaire, les risques de contamination et d’intoxication alimentaire sont élevés, comme en témoignent les nombreux scandales des dernières années. La concentration de milliers d’animaux dans un espace confiné peut également mener à l’apparition de maladies transmissibles à l’humain, ou encore à l’antibiorésistance en raison du traitement routinier qui leur est administré. L’élevage intensif, de par sa nature, ne respecte pas les impératifs biologiques des animaux et est une source de souffrance immense pour ces derniers.
- Un point particulier qui fait polémique avec le corps médical. Comment faire pour avoir les apports en calcium de bonne qualité nécessaires tout en excluant complétement les produits laitiers de son alimentation ? N’y a-t-il pas forcément des carences ?
Les apports en calcium sont en effet à surveiller, mais il est tout à fait possible de les combler ! Aujourd’hui, de nombreux laits et yaourts végétaux sont enrichis en calcium à la même teneur que les produits laitiers. Les légumes verts sont également de bonnes sources en plus d’être des aliments excellents pour notre santé. Il est également possible de se tourner vers les eaux minérales riches en calcium. Si les bouteilles en plastique ne sont pas idéales, gardons à l’esprit que la production de lait est une catastrophe environnementale largement supérieure et que ce dernier sera souvent conservé dans le même type de contenant.
- Etes vous de ceux qui pensent que l’adoption d’un régime végétalien est la solution au dérèglement climatique ?
S’il n’y a pas de solution miracle, l’alimentation végétale est indispensable pour pouvoir tenir les objectifs fixés par le GIEC. Rappelons que l’élevage est responsable de plus de 14 % des émissions de gaz à effet de serre parmi les activités humaines. De très nombreux aspects de production et de consommation sont à adapter, et l’alimentation en fait partie.
- Quels liens établissez vous entre alimentation et protection de l’environnement ?
L’alimentation et l’agriculture ont un impact considérable sur notre environnement : dérèglement climatique, pollution de l’eau et de l’air, etc. Nous ne pouvons pas nous passer de l’agriculture pour des raisons évidentes, mais nous pouvons l’adapter et la transformer pour qu’elle corresponde à un modèle durable, éthique, et respectueux de l’environnement. Aujourd’hui les données sont claires : la viande est le principal contributeur au dérèglement climatique dans notre alimentation. Se passer de viande est l’acte individuel le plus efficace pour réduire notre empreinte carbone, 6 à 7 fois plus que le fait de manger local !
- Une question à l’attention de nos lecteurs sportifs. Est-il possible de suivre un régime alimentaire végétal en faisant du sport, que ce soit de façon modérée ou intensive ? Avez-vous des exemples de sportifs chez qui ça fonctionne ?
Alimentation végétale et sport sont tout à fait compatibles, que la pratique soit modérée ou intensive ! De nombreux sportifs et sportives de haut niveau ont adopté une alimentation végétale avec succès. On peut citer la footballeuse Alex Morgan, championne du monde à 2 reprises, les bodybuilders Frank Medrano et Patrick Baboumian. Les coureurs d’endurance sont aussi largement représentés : Scott Jurek, Fiona Oakes, Rich Roll, etc.
- Donnez nous l’exemple type d’un repas végétal équilbré ?
Un repas végétal idéal sera composé de ces différents aliments :
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- une source de protéines, des légumineuses par exemple.
- éventuellement des céréales complètes (pâtes, pain, etc.)
- la moitié de l’assiette doit être composée de légumes (et ce quelle que soit l'alimentation, d’ailleurs !)
- des lipides de qualité, comme l’huile de colza qui est riche en oméga-3. Les oléagineux sont aussi intéressants et peuvent compléter l’apport en protéines.
- un fruit ou des crudités peuvent se montrer intéressants pour leur apport en vitamine C et en fibres.
Gardez à l’esprit qu’il faut savoir faire preuve de souplesse dans votre alimentation : l’équilibre se fait sur plusieurs repas, il est inutile de faire de savants calculs chaque fois que vous cuisinez !
- Finalement, quels conseils donneriez vous aux personnes qui veulent effectuer une transition réussie vers une alimentation végétale ?
Trouvez l’approche qui vous convient le mieux : pour de nombreuses personnes, avancer progressivement sera la solution préférée. Quelques exemples :
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- dans un premier temps, choisir de végétaliser 1 ou 2 repas par semaine, puis augmenter progressivement la fréquence de ces repas. Cela vous permettra de vous habituer et de découvrir de nouvelles recettes au fur et à mesure.
- choisir un repas de la journée (petit déjeuner par exemple) à végétaliser au quotidien.
- choisir des recettes que l’on apprécie et les végétaliser : vous pourrez trouver de nombreuses alternatives sur internet.
Évitez l’approche “tout ou rien” : ce n’est pas parce qu’il vous paraît trop difficile de vous passer de fromage qu’il faut pour autant tout abandonner ! Repérez d’abord les aliments d’origine animale dont vous pouvez facilement vous passer. Si vous craignez qu’une alimentation végétale soit trop contraignante à l'extérieur, dans un contexte social ou professionnel, changez d’abord les repas pris à la maison.
- Pour en terminer avec notre entretien, pourriez vous nous dire quels sont les grands chantiers sur lesquels vous aller travailler dans les mois à venir et quels sont les objectifs (ou rêves) que vous souhaiteriez atteindre ?
Notre association a un champ d’action assez large. Dans les mois à venir, nous aimerions pouvoir faire reculer les pires pratiques d’élevage pour les poulets et les cochons notamment. La végétalisation de l’offre en restauration et en grande distribution est incontournable et nous souhaitons pousser les entreprises et l’agroalimentaire dans ce sens. Notre but premier est de mettre fin à l’exploitation animale, mais il faut passer par de nombreuses étapes et jalons avant d’y arriver. Un des objectifs ambitieux que nous aimerions atteindre est l’interdiction de l’élevage intensif en France.
Je suis arrivé au bout de mes questions, Monsieur Carnino. Il ne me reste plus qu'à vous remercier à nouveau du temps que vous nous avez accordez afin d’éclairer nos lecteurs sur ce sujet contemporain très important et nous vous souhaitons, bien évidemment, beaucoup de succès dans la poursuite de votre travail.
Publié le 16/06/2023 13:04
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