Connaissiez vous la loi n° 2017 – 399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre adoptée en mars 2017 ?
Son premier article stipule ceci : «Art. L. 225-102-4.-I.-Toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l'étranger, établit et met en œuvre de manière effective un plan de vigilance. »
Cette disposition vient de se rappeler au bon souvenir du groupe Casino. En effet, le distributeur français est poursuivi en justice par onze organisations de défense de l'environnement et des responsables indigènes.
La raison ? Le groupe Casino est accusé de prendre part à la déforestation au Brésil et en Colombie par le biais de ses achats de viandes. Les dommages causés à des terres ancestrales et mettant en danger la vie des populations natives résulteraient d’un manque de vigilance du groupe. En effet, il est reproché à Casino de se fournir en viande auprès de sociétés locales pratiquant l’élevage intensif. La loi précise qu’il est du ressort de l’acheteur de s’assurer que son ou ses fournisseurs cochent bien toutes les cases de la charte de qualité, du respect de l’environnement et des droits humains.
Le groupe Casino est la plus grande chaîne de supermarchés au Brésil et en Colombie, avec leurs marques respectives Grupo Pão de Açúcar (GPA) et Grupo Éxito et la part de son chiffre d’affaires réalisée sur place est considérable. La nouvelle est d’autant plus retentissante que, comme le font remarquer les nombreuses associations françaises, américaines ainsi que des représentants locaux qui attaquent Casino : « C'est la première fois qu'une chaîne d'hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d'approvisionnement
Les charges qui pèsent contre l’enseigne sont lourdes. Une longue enquête des plaignants a révélé que "des atteintes systémiques à l’environnement et aux droits humains ont eu lieu, tout au long de la chaîne d’approvisionnement du groupe Casino au Brésil et en Colombie, sur une période significative". « Selon le Centre d'Analyse de la Criminalité Climatique, "le groupe Casino aurait acheté régulièrement de la viande bovine à trois abattoirs qui s'approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d'au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020. »
Bien sur, Casino dément et assure que le nécessaire a été fait de son coté afin de solutionner le problème. . Elle affirme ainsi avoir mis en place une nouvelle procédure "Beef and Track" avec l’ONG Immaflor en juillet 2020 afin de permettre une parfaite traçabilité des produits achetés ainsi qu’une collaboration étroite avec les divers acteurs locaux. Mais cette initiative n’a pas convaincu le collectif de plaignants jugeant que les actions mises en place n’avaient aucune réelle efficacité.
Les débats promettent d’être houleux en raison du caractère sensible de la situation dans ces régions du globe. En effet, l'élevage bovin est la principale source de déforestation en Amérique du Sud, en particulier au Brésil, et dans ce dossier à charge, le groupe Casino aura fort à faire pour fournir toutes les preuves qu’il n’ y a pas participé ; même indirectement.
L’ensemble des associations accompagnées des représentants des populations locales rappelleront l’extrême vulnérabilité dans laquelle se trouve la foret amazonienne. Ils mettront en avant une déclaration alarmante de l'agence spatiale brésilienne (INPE) : » la déforestation de la forêt amazonienne a atteint son plus haut niveau en douze ans. L'Amazonie risque d'atteindre un point de non-retour, en passant d'une forêt tropicale humide à une savane. » Il est important de souligner par ailleurs que les gouvernements sont aussi responsables dans une plus large mesure de la disparition de la foret amazonienne. C’est ainsi qu’on apprenait que le gouvernement brésilien a supprimé, en décembre dernier, toutes les mesures visant à lutter contre la déforestation dans son plan national d'action pour le climat bien que la disparition des forêts demeure la principale source d'émissions de gaz à effet de serre dans le pays.
Dans les prochains mois, s’ouvrira le proces qui pourrait bien faire jurisprudence si le groupe Casino est condamné. Les autres enseignes vont suivre ca de pres car elles ne sont pas exemptes, non plus, de tout reproche . Récemment, le site d'investigation Disclose a dénoncé, lui aussi, le rôle de l'enseigne Carrefour dans la déforestation de l'Amazonie brésilienne.
Ce procès aura au moins le mérite de rappeler les devoirs et les engagements des différentes enseignes dans leurs processus d’achats et l’importance de faire respecter une charte éthique à tous les échelons de la chaine d’approvisionnement.
Publié le 17/03/2021 09:09
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