Le dimanche 11 avril 2021, en présence du président ougandais Yoweri Museveni et de la nouvelle dirigeante tanzanienne Samia Suluhu Hassan, le francais Total, le chinois CNOOC, les sociétés d’Etat du pétrole d’Ouganda (UNOC) et de la Tanzanie (TPDC) ont finalisé l’accord leur permettant d’exploiter les immenses gisements de pétrole situés dans la région du lac Albert en Ouganda aux portes de la République Démocratique du Congo.
Qualifiant sur Twitter ce jour d’«historique pour l’Ouganda, la Tanzanie, l’Afrique de l’est et Total", Mr Patrick Pouyanné. Président du groupe pétrolier, va pouvoir entamer un des plus gros projet pétrolier de l’histoire. Détenteur de 56,67 % des parts du projet, Total prévoit de débuter l’exploitation à compter de 2025 pour l’achever en 2045. A ses cotés, le chinois Cnooc détient 28,33 % et Unoc 15 %. La production devrait atteindre jusqu'à 230.000 barils de brut par jour. Une fois extrait, le pétrole est prévu d’être acheminé par un oléoduc de 1 400 kms jusqu'aux rives de l'océan Indien, en traversant la Tanzanie. Il aura pour nom l’East African Crude Oil Pipe Line (Eacop) et aura couté environ 3,5 milliards de dollars soit 2,9 milliards d’euros.
Mr Pouyanné a rajouté : «Ce projet créera une valeur ajoutée importante pour l’Ouganda et la Tanzanie ». Il faut savoir que l’Ouganda a une économie qui repose à 80% sur l’agriculture, avec le café comme ressource essentielle. C’est un peu différent pour la Tanzanie, qui en plus de son agriculture, peut compter sur son industrie minière. En effet, ce pays est le quatrième producteur d’or d’Afrique. Autant dire que ce nouveau projet pétrolier représente un fabuleux relai de croissance pour ces deux pays avec des retombées financières non négligeables.
Toutefois, même si Total, CNOOC et TPDC se sont engagés à mener les opérations dans le respect de la biodiversité, des enjeux environnementaux et des droits des communautés locales qui seront, bien évidement, impactées par les travaux, cela n’a pas suffit à apaiser les craintes des multiples ONG ougandaises et françaises qui se battent depuis plusieurs années pour empêcher ce projet de voir le jour. Ce collectif, composé d’une trentaine d’associations, d’ONG telles les Amis de la Terre, Extinction Rebellion ou encore Fridays For Future Uganda, saisit, à nouveau, la justice qualifiant ce projet de "climaticide". Les associations mettent en avant les 132 puits de pétrole qui devraient être situés dans une aire protégée, à proximité du Lac Albert, le risque de dégrader les reserves naturelles ainsi que les zones très sensibles de captage d’eau du Lac Victoria dont nous avons parlé dans l'un de nos précédents articles. Le collectif tient également à attaquer le pétrolier sur son manquement à son devoir de vigilance. Rappelons que ce devoir se caractérise par «l’obligation faite aux entreprises donneuses d’ordre de prévenir les risques sociaux, environnementaux et de gouvernance liés à leurs opérations mais qui peut aussi s'étendre aux activités de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux, sous-traitants et fournisseurs. »
Les ONG déclarent : « Total choisit d'ignorer les risques climatiques massifs posés par la construction d'un pipeline de transport de pétrole brut qui générera une nouvelle source de 34,3 millions de tonnes d'émissions de carbone au pic de son fonctionnement" et de rajouter : "Malgré les promesses d’emplois et d’avenir meilleur, les communautés s’inquiètent de perdre leur terre, des dégâts environnementaux et des "promesses vides" de l’argent du pétrole ».
Les inquiétudes sont également alimentées par la nature même du pétrole ougandais qui a pour particularité d’être très visqueux. Il devra donc être chauffé pour rester suffisamment liquide pour s’écouler le long du pipeline. Ce qui ferait de l’EACOP le plus long oléoduc de pétrole brut chauffé électriquement au monde !
Face aux attaques, Total se devait de réagir. Le groupe se défend et a opté pour la transparence. Mr Pouyané a déclaré à ce propos : «Total prend pleinement en considération la sensibilité du contexte environnemental et les enjeux sociétaux qui entourent ces projets à terre. Notre engagement est de mettre en œuvre ces projets de manière exemplaire et en toute transparence", Pour cela, Total rendra publiques toutes les études qui ont été conduites au long de l’élaboration du projet. Et Mr Pouyané d’insiter : « Face aux oppositions, la seule stratégie est la transparence absolue. Le conseil d’administration a décidé de publier tous les audits, toutes les études. […] la seule bonne politique pour les groupes comme le nôtre est de répondre par des faits. Cela ne suffira peut-être pas à convaincre tout le monde, mais on ne pourra pas nous reprocher d’avoir caché des choses ».
En effet, même si la méthode est louable, on peut raisonnablement penser que ca ne suffira pas à convaincre et que les nombreuses ONG qui luttent depuis si longtemps, auront bien du mal à se contenter de ca.
Publié le 16/04/2021 09:48
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