La neutralité carbone est un concept diversement appréhendé dans le monde des dirigeants d’entreprises francaises. Si tous ont à peu prés bien compris le principe, la mise en pratique dans leurs activités respectives s’avèrent plus délicate.
Lorsque l’Accord de Paris a été signé en 2015, beaucoup de chefs d’entreprise ont réalisé qu’une nouvelle obligation allait s’imposer à eux. L’urgence que chacun décarbone son activité ne fait plus de doute. Toutefois, multinationales, ETI et TPE ne possèdent pas les mêmes armes ni les mêmes moyens pour faire face à cet engagement.
C’est en substance ce que montre une étude réalisée par l’Ifop pour Mazars. De façon synthétique, il en ressort que :
- 53 % des dirigeant considèrent qu’ils devront adapter en profondeur leur business model pour atteindre la neutralité carbone
- 62 % des dirigeants des grandes entreprises et ETI jugent l’objectif de neutralité carbone prioritaire contre 60 % dans les PME et 46 % dans les TPE.
- 16 % des dirigeants d'entreprises seulement ont réalisé un bilan carbone
Ces résultats montrent que le chemin va etre encore long avant d’atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050 comme préconisé dans l’Accord. L’indicateur le plus révélateur est celui de la réalisation d’un bilan carbone. Il est le point de départ. Sans avoir déterminé au préalable les origines des émissions carbone de son activité, il parait difficile d’y apporter les mesures correctrices. Or, l’étude fait apparaitre un maigre 16 % des dirigeants qui auraient procédé à ce bilan.
En outre, l’étude met également en avant de multiples disparités. Décarboner son activité change de définition et de dimension en fonction du secteur d’activité dans lequel opère l’entreprise, sa taille et sa maturité . Il est plus facile pour une grande entreprise d’engager des actions car les moyens financiers et humains sont plus importants et plus faciles à mobiliser. A ce propos, Edwige Rey, associée RSE et Développement durable de Mazars, insiste sur le fait que « Les sujets de la neutralité carbone et des financements ne peuvent être décorrélés, car une telle démarche engendre des coûts importants afin d'adapter et de transformer en profondeur le business model, l'outil industriel et toute la chaîne de valeur ». Elle poursuit en soulignant un point intéressant : « moins de la moitié des répondants à l’étude estiment bénéficier en interne des compétences humaines nécessaires pour atteindre l'objectif de neutralité ».
Outre le fait d’avoir une conception encore un peu floue de la neutralité carbone, les dirigeants semblent trainer quelque peu les pieds, voyant dans cet engagement une nouvelle source de contraintes administratives et de complexité.
Un travail d’information et d’accompagnement sera indispensable si l’on veut obtenir l’adhésion complète de tous les chefs d’entreprise. Ils sont, certes, tous de bonne volonté mais leurs préoccupations sont concrètes et les pouvoirs publics devront y répondre de façon pragmatique pour éviter une usine à gaz supplémentaire. Pour cela, le chef d’entreprise doit être entouré de toutes les parties prenantes composant son écosystème tels que les acteurs publics, les banques, les fournisseurs, les clients ou encore les collaborateurs.
Opportunité pour certains ou menace pour d’autres, la neutralité carbone ne s’obtiendra qu’avec l’ensemble des acteurs économiques français. Et il semblerait bien qu’il y ait encore du travail à accomplir pour qu’ils la considèrent comme leur priorité absolue.
Publié le 31/03/2021 17:59
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