Le 16 septembre 1987, 24 nations plus la Communauté Eurpéenne signent le Protocole de Montréal ; accord qui entend élimer progressivement l’utilisation de certaines substances responsables de détruire la couche d’ozone. Il s’agit essentiellement des CFC (chlorofluorocarbures), des HCFC (hydrochlorofluorocarbures).
Plus récemment, le 15 octobre 2016, les membres signataires portent un nouvel amendement à cet accord, stipulant l’arrêt progressif de la production et utilisation d’un autre gaz : les HFC hydrofluorocarbures. Le 24 juillet 2020, 99 États et l'Union Européenne ratifient l'amendement et s’entendent sur une diminution de la production et consommation de HFC de 85 % d’ici à 2047
Ces gaz sont utilisés comme réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs. Ils sont extrêmement polluants. Ils génèrent de grandes quantités de gaz à effet de serre et sont jusqu’à 15 000 fois plus puissants que le CO2. Le chlore et le fluor, contenus dans les molécules, réagissent chimiquement et détruisent des molécules d'ozone. La progression des émissions d'hydrofluorocarbures est liée au développement de la climatisation (logements, transports, surfaces de vente entre autres). Selon l'Agence internationale de l'énergie, l'air conditionné représente 10 % de la consommation électrique mondiale. Et d'après une étude parue dans Nature Communications , le réchauffement climatique va générer des besoins en énergie accrus, pour les climatiseurs notamment, de +25 % à +60 % d'ici la moitié du siècle
Il était urgent d’agir quand on sait la vitesse à laquelle les ventes d’appareils de climatisation et de réfrigération ont déjà progressé dans le monde ces deux dernières décennies
Dés lors, comment pouvoir espérer lutter raisonnablement et efficacement contre le réchauffement climatique, contenir les températures en dessous de 2° Celsius tout en continuant de fabriquer des appareils contenant de tels gaz ?.
C’est en substance ce qu’a expliqué, Maxime Beaugrand, directrice du bureau de Paris de l'Institut pour la gouvernance et le développement durable : "l'élimination des gaz HFC permettrait d'éviter un réchauffement de 0,5°C d'ici à la fin du siècle, soit entre un tiers et un quart des objectifs de l'accord de Paris sur le climat de 2015 ». « Un chiffre qui pourrait même être doublé si l'on améliore l'efficacité énergétique des équipements réfrigérants en parallèle du remplacement des gaz HFC". "L'action sur les super polluants, les HFC mais aussi le méthane, au fort pouvoir de réchauffement et qui a une courte durée de vie dans l'atmosphère, est une stratégie indispensable pour limiter à temps le réchauffement climatique à 1,5°C". Sans compter l’augmentation significative des coûts consacrés à la lutte contre le réchauffement climatique dans le cas d’une utilisation plus grande de climatisation. Un cercle vicieux bien compliqué à gérer.
Le 16 avril dernier, c’était au tour de la Chine de s’engager à éliminer ces gaz HFC. L’annonce, faite par le président Xi Jinping à l’issue d’un entretien avec le président français, Emmanuel Macron, et la chancelière allemande, Angela Merkel, amorce le déclin de ces super polluants. Pour Maxime Beaugrand, l’entrée de la Chine dans le club des 119 autres pays signataires « va changer la donne pour le climat ». Rappelons que la Chine produit à elle seule 70 % des climatiseurs dans le monde et représente la plus grosse part des émissions des gaz HFC.
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Joe Biden décide d’emboiter le pas de Xi Jinping et compte restreindre progressivement l'utilisation de ces gaz en soumettant à son tour l'amendement de Kigali au Sénat prochainement.
Maxime Beaugrand s’en félicite et pense que : « cela devrait avoir un effet d’entraînement : on espère désormais que l’Inde, le plus gros consommateur de climatiseurs, s’engage à faire de même, avant une ratification universelle. » En effet, ce pays voit ses températures augmenter fortement depuis ces dernières années et le recours aux climatiseurs par la population est massif. Aujourd’hui, seulement 10% des Indiens sont équipés de climatiseurs. Mais avec plus de quatre millions de nouvelles machines vendues chaque année, ce chiffre pourrait grimper à 240 millions en 2030 contre 15 millions en 2011, selon les sources de l'Agence internationale de l'énergie. La faute à une urbanisation galopante, une diminution des espaces verts et un accroissement incessant du parc automobile. Selon l’Agence, durant l’été, 40% de l'électricité consommée à New Delhi sert à la réfrigération.
Au final, les décisions conjointes de la Chine et les Etats Unis sont d’excellentes nouvelles au regard de l’urgence climatique à laquelle la planète doit faire face. Etonnant donc qu’elles aient été si peu relayées dans la presse.
"Ces gaz sont des bombes climatiques. Les plus importants ont une durée de vie de plus de 50 ans, mais d'autres ne survivent qu'une dizaine d'années dans l'atmosphère. Donc si on met en place une stratégie agressive dès maintenant, on peut inverser la tendance, et espérer une réduction du réchauffement de 0.5°C d'ici 2100 pour les HFC et de 0,3°C d'ici 2050 pour le méthane. La course contre le réchauffement climatique est un marathon, mais pour la gagner on a aussi besoin de sprinteurs. Les HFC et le méthane permettent cela" a insisté Maxime Beaugrand.
Publié le 11/05/2021 15:03
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