Le nucléaire est sous haute surveillance en ce moment après une série d’incidents au Royaume Uni et en Chine.
Au Royaume Uni, deux centrales posent problème : la centrale de Torness en Ecosse et Heysham 2 en Angleterre. Ces deux centrales dont le fonctionnement devait se terminer en 2030, sont susceptibles de s’arrêter avant, en raison de brèches apparues dans les réacteurs. Cette sureté nucléaire défaillante pourrait bien compromettre les objectifs de neutralité carbone prévue pour 2050 par le pays. Plus inquiétant encore, selon Richard Bradfield, directeur technique chez EDF, il faut s’attendre à des incidents similaires dans d’autres centrales du pays. En effet, des brèches pourraient bien faire rapidement leur apparition dans deux autres centrales plus anciennes du pays, Heysham 1 et Hartlepool, qui doivent normalement fermer en 2024. Il y a une semaine, EDF avait annoncé qu'il allait fermer sa centrale nucléaire de Dungeness B, dans le sud de l'Angleterre, à l'arrêt depuis 2018 en raison de problèmes techniques. Tous ces incidents posent de réelles questions sur l’état de santé du parc nucléaire anglais alors même qu’un nouveau projet de réacteur nucléaire pressurisé européen (EPR) destiné à une centrale en construction à Hinkley a été retenu. Mais entre des coûts à la hausse et des retards déjà prévus de livraison, sa mise en service n’est pas pour tout de suite.
L’Angleterre n’est pas le seul pays aux prises avec un parc nucléaire défaillant. On apprend que la Chine enregistre également des problèmes avec un réacteur EPR installé dans la centrale de Taishan. Outre le Royaume Uni, les deux réacteurs de Taishan sont pour l'instant les seuls EPR, de conception française, a être entrés en service dans le monde. D'autres exemplaires sont en construction en Finlande et en France à Flamanville
Le 3 juin dernier, Framatome, la filiale d’EDF, déclarait que le réacteur numéro 1 de la centrale présente « un risque radioactif imminent ». C’est le second cas d’ "inétanchéité " sur ce réacteur depuis 2018. La concentration de gaz rares dans le circuit primaire est en hausse préoccupante et une fuite radioactive a même été détectée. Même si EDF se veut rassurant en déclarant que « La présence de certains gaz rares dans le circuit primaire est un phénomène connu, étudié et prévu par les procédures d'exploitation des réacteurs », il n’empêche que le risque d’une pollution radioactive persiste. En effet, comme nous l’explique, Yves Marignac, un expert en sureté nucléaire : « en temps normal, le circuit primaire est purgé des gaz rares. Ceux-ci sont alors stockés dans des réservoirs de traitement, le temps de perdre en nocivité. Le xénon voit par exemple sa radioactivité divisée par deux toutes les neuf heures. Les gaz sont ensuite rejetés dans l'atmosphère. « Plus un circuit primaire est contaminé, plus les dégazages doivent être réalisés en flux tendus, plus les temps de décontamination des gaz sont courts et plus la radioactivité rejetée dans l'atmosphère est importante ». Un tel seuil de contamination aurait conduit les autorités françaises à arrêter le réacteur depuis longtemps déjà. Ce qui apparait comme une mesure de sécurité évidente et indispensable à ce niveau, ne l'est pas pour les autorités chinoises qui ne veulent pas stopper le réacteur.
Difficile encore à ce stade de déterminer les causes de tous ces incidents dont on nous dit qu’ils sont surveillés et sous contrôle. L’histoire récente du nucléaire dans le monde nous a déjà montré qu’entretenir une certaine opacité autour des réacteurs nucléaires peut mener à des catastrophes. Certes, les économies mondiales sont reparties et tout doit tourner à plein régime, mais ces incidents ont une origine qu'il serait dangereux de minimiser. Une chose est sure, c’est qu’ils vont apporter beaucoup d’eau au moulin de tous les opposants au nucléaire.
Publié le 15/06/2021 15:55
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