Le Gulf Stream montre des signes de faiblesses alarmants.

Un récent rapport publié dans la revue Nature Geoscience révèle un affaiblissement du Gulf Stream à un niveau jamais connu depuis 1 000 ans. Qu’est ce que cela signifie ? Devons-nous nous en inquiéter ? Et puis d’abord, c’est quoi le Gulf Stream ?

Comme son nom l’indique, Le Gulf Stream est un courant. Situé dans l’Atlantique, ce courant océanique trouve son point de départ dans la région de la Floride pour remonter jusqu’au Groenland.

Comme le montre l’image ci-dessous, le Gulf Stream fonctionne comme un tapis roulant géant, transportant l’eau chaude de surface de l’équateur vers le nord et renvoyant des eaux froides en profondeur vers le sud. «  Il déplace près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde, soit près de 100 fois le débit du fleuve Amazone » nous explique Stefan Rahmstorf, scientifique et co-auteur de l’étude.

Le mode de fonctionnement de ces deux flux marins est relativement simple à comprendre. Il s’explique essentiellement grâce à la température et la densité en sel. Le courant qui va du Sud vers le Nord est chaud alors que celui allant en sens inverse est froid. L’eau chaude (plus légère) reste en surface tandis que l’eau froide (plus lourde) s’enfonce dans l’océan. Quant à la salinité, nos cours de science nous ont appris que plus une eau est chargée en sel et plus elle est dense. Elle ira naturellement dans les fonds, du fait de son poids plus lourd.  Donc, pour résumer, l’eau chaude et salée se déplace du Sud vers le Nord où elle se refroidit et devient ainsi plus dense. Lorsqu’elle est suffisamment lourde, l’eau coule vers des couches océaniques plus profondes et retourne vers le Sud. 

En termes plus élaborés, les océanographes nomment dérive nord-atlantique, l’appel de masse depuis le Sud ainsi créé par la différence de températures et de salinité. Nous parlerons, également, de système de courants marins du bassin atlantique, ou AMOC en anglais (Atlantic Meridional Overturning Circulation) ou encore circulation thermohaline (thermo pour température et haline relatif à la salinité marine)

Quelle est l'utilité de ce courant ? Pourquoi est-il si important pour notre planète ?

Le Gulf Stream permet le transfert de chaleur entre les pôles et l'équateur. Sans lui, l'écart de température entre l'équateur et les pôles serait beaucoup plus marqué.

Une fois ces phénomènes naturels expliqués, pourquoi la communauté scientifique est-elle si inquiète ?

Comme son nom l’indique, un courant est un flux. Ce flux possède une vitesse de circulation. Il doit conserver une allure constante et naturellement élevée pour remplir son office. Or, c’est ici que le probleme se pose. Les chercheurs ont établi que ce courant s’affaiblit. Il ralentit. A en croire, le rapport de Nature Geoscience, il serait même à son plus bas niveau depuis 1 000 ans ! A l’aide de l’étude de la taille des grains dans les carottes de sédiments océaniques (appelées ainsi en raison de la forme rappelant celle d'une carotte, que la machine qui sert à faire les prèlévents dans les fonds, donne aux échantillons), de relevés de températures atmosphériques et des eaux de surface ou de la composition des espèces de coraux entre autres, les scientifiques sont capables de déterminer la force du courant et par conséquent, sa vitesse. Certes, des pertes de vitesse se sont déjà produites par le passé à divers âges de l’évolution de notre planète, mais sûrement jamais dans une telle proportion.

Quelle est la cause de ce ralentissement ?

Si l’on reprend notre cours de science physique, l’explication en est simple. Les glaces des pôles fondent et libèrent des millions de tonnes d’eau douce dans l’océan. Ce qui a pour conséquence d’alléger l’eau océanique, de perturber la circulation des flux et de venir freiner la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique. Autrement dit, la salinité se dilue, l’eau devient moins dense, donc plus légère et de ce fait, ne parvient pas à rejoindre les couches profondes pour repartir dans l’autre sens. Le mécanisme se grippe.

En quoi ce qui a été observé par les scientifiques représente un danger pour nous ?

Les menaces pour les populations des deux cotés de l’Atlantique sont réelles et sérieuses. Les modélisations informatiques effectuées sont le scenario idéal d’un film catastrophe à terme et font froid dans le dos.

Levke Caesar, auteur principal de l’étude, nous expose les conséquences : « L’écoulement de surface de l’AMOC vers le nord entraîne une déviation des masses d’eau vers la droite, loin de la côte est des États-Unis à cause de la rotation de la Terre » «  À mesure que le courant ralentit, cet effet s’affaiblit et davantage d’eau peut s’accumuler sur la côte est des États-Unis, conduisant à une élévation accrue du niveau de la mer ». Stefan Rahmstorf de rajouter : « On voit clairement qu'une zone précise de l'Atlantique nord se refroidit depuis un siècle alors que le reste de la planète se réchauffe. Les recherches antérieures avaient déjà montré que le ralentissement de la circulation thermohaline pourrait en être la cause. Désormais, nous avons détecté des signes forts : la courroie de transmission globale a bien perdu de sa vigueur au cours du dernier siècle, et plus particulièrement depuis 1970"

Dés lors, les conséquences sont clairement identifiées et peu réjouissantes :

• Un changement abrupt de température. Terme donné par les scientifiques pour mentionner un net refroidissement au dessus de l’Atlantique Nord. Les résultats obtenus à l’aide d’un nouvel algorythme indiquent des proportions catastrophiques.
• des extrêmes climatiques plus marqués avec des hivers plus rigoureux et des étés plus secs et chauds.
• une accélération des évènements météorologiques extrêmes.
• l’intensification des zones humides et des zones sèches
• l’extension des déserts vers les pôles des deux hémisphères.
• le renforcement des ouragans et l’aggravation des conditions météorologiques
• l’élévation du niveau des eaux de part et d’autre de l’océan noyant des régions entières.
• La perturbation du stockage océanique du CO².
• Le bouleversement de l’agriculture,
• La mise en péril des écosytemes.

Une question essentielle reste en suspend : pourquoi les glaces fondent-elles ?

La réponse en deviendrait presque navrante de banalité : à cause de la hausse des températures due au réchauffement climatique induit par l’homme. Si nous ne faisons rien ou pas suffisamment pour inverser la trajactoire, nous courons droit à la catastrophe. Comme avertit fort justement Stefan Rahmstorf : « Si nous continuons à alimenter le réchauffement climatique, le système du Gulf Stream va encore s’affaiblir – de 34 à 45% d’ici 2100, selon la dernière génération de modèles climatiques.  Cela pourrait nous rapprocher dangereusement du point de basculement auquel l’écoulement devient instable ».