Les tensions risquent d’être nombreuses lors du déplacement du Chef de l’Etat, Emmanuel Macron, en Polynésie française en juillet prochain. Il sera, en effet, question des essais nucléaires auquel la France a procédé dans les atolls de Mururoa et Fangataufa situés dans l’archipel des Tuamotu. Il y en eu 193 entre 1966 et 1996.
En phase préalable à ce déplacement, Sebastien Lecornu, ministre des Outre-mer, s’est rendu à Papeete. A cette occasion, il a rencontré le président polynésien, Edouard Fritch, ainsi que les associations anti-nucléaires et ont évoqué ce sujet ô combien sensible. Dans le but d’entamer un dialogue serein avec les différentes parties prenantes locales et surtout de préparer au mieux les rencontres avec le Président qui auront lieu une première fois fin juin à Paris lors d’une table ronde , puis en début juillet, en Polynésie française, le ministre a déclaré : « Le gouvernement souhaite «assumer» l'impact des essais nucléaires en Polynésie française et mieux indemniser les victimes ». Avant de rajouter : «Nous n'avons pas peur de la vérité, au contraire, nous la voulons, et surtout nous souhaitons assumer».
Les essais ont causé des dégâts environnementaux et sanitaires considérables. Des écosystèmes entiers ont été détruits et les cas de cancers au sein des populations locales ont fortement augmenté. Rien d’étonnant, des lors, que la question des indemnisations aux victimes soit au centre des discussions. Nombreux sont ceux qui pensent que Paris a volontairement minimisé les conséquences des essais dans les différents rapports effectués. C’est ce qu’a tenu a rappeler le président polynésien : «On n'efface pas d'un revers de main soixante ans de propagande d'État, de déni, d'intimidation, de mépris et d'arrogance».
Voici un exemple qui illustre bien tout le malaise que suscite l’épineux problème des essais nucléaires au sein des différents gouvernements français. Une récente enquête menée conjointement par Radio France et Disclose a mis en avant les défaillances de l’essai nommé « Centaure » qui a eu lieu le 17 juillet 1974 et a, probablement, affecté 110 000 personnes. Les auteurs expliquent que : « rien ne se passe comme prévu. L’essai est un échec du point de vue technique, le champignon atomique s’élève moins haut que prévu (5 200 mètres au lieu de 8 000 mètres), mais surtout il ne prend pas la direction prévue par les autorités françaises. ». Par ailleurs, avec l’aide de plusieurs centaines de documents déclassifiés par l’armée francaise et de modélisations informatiques, ils affirment que : "En suivant le trajet du nuage heure par heure, on voit clairement qu’au lieu de partir vers le nord, en direction des atolls de Tureia et de Hao, et de se disperser dans le Pacifique comme prévu, il se dirige en ligne droite vers Tahiti". Ils poursuivent en indiquant que : «Quelques heures après le tir, l’armée connait le risque que le tir Centaure fait peser sur les populations civiles. Elle sait que les masses d’air poussent le nuage vers Tahiti, mais décide de ne rien faire. Les autorités locales et les populations civiles ne sont pas prévenues. On ne demande pas aux populations civiles de se mettre à l’abri ou de suspendre leur consommation d’eau ou de lait qui fixent fortement les substances radioactives. »
Dans une volonté d’apaisement, Sébastien Lecornu a reconnu que le nombre de personnes indemnisées par la loi Morin, pour avoir contracté des maladies liées aux radiations, était «particulièrement faible» et que le gouvernement va indemniser les atolls les plus touchés par les essais, comme Hao, la base arrière du Centre d'Expérimentations du Pacifique.
Ces paroles et gestes de bonne volonté ne devraient, toutefois, pas suffire à infléchir la position du parti indépendantiste qui a toujours été un farouche opposant aux essais nucléaires, exigeant, avant toute chose, des excuses du gouvernement français : « une demande de pardon, qu'on n'a toujours pas eu. Si le président vient en juillet et qu'il ne fait pas ce geste-là, il sera venu pour rien». Le parti escompte également des gestes beaucoup plus forts pour l’environnement, des indemnisations à la hauteur des dommages causés. Moetai Brotherson, député et membre du parti indépendantiste, a déclaré : «Il ne faut pas attendre que Moruroa s'effondre pour se poser la question: est-ce qu'on aurait dû, est-ce qu'on aurait pu ?»
Publié le 12/05/2021 12:17
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