De tous temps, l’agriculture a été exposée aux aléas climatiques. Elle est par nature vulnérable et fortement dépendante des conditions météorologiques. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui. Le dérèglement climatique qui s’observe depuis plusieurs années maintenant crée des épisodes extrêmes de plus en plus fréquents. Un expert climatologue rapportait que les six dernières années ont été les plus chaudes depuis 150 ans et notamment 2020. Pour faire face à ces bouleversements, le monde agricole a entrepris une refonte en profondeur de son modèle et de ses pratiques.
Souvent montrée du doigt, elle est accusée d’être à l’origine de pollutions et on dit d'elle que ses activités contribuent pour une large part aux émissions de gaz à effet de serre à l’origine du dérèglement climatique. Position compliquée pour un secteur dont l’objectif est de nourrir l’humanité.
A une époque où l’information circule à toute vitesse, l’agriculture fait, aujourd’hui, l’objet d’attentes fortes de la part de la société. Pour cela, elle devait s’adapter, se réinventer. C’est ce qu’elle a entrepris, depuis un certain temps maintenant, en se modernisant grâce à des outils qui vont la faire entrer dans l’ère de l « agriculture réparatrice ».
Il semble s’éloigner de plus en plus rapidement le temps de l’agriculture traditionnelle avec nos paysans d’antan si chèrs aux plus de vingt ans. Le rendement à l’hectare n’est plus le mètre étalon des acteurs du secteur. Désormais, il faut aussi raisonner en émissions carbone, il faut ajuster les variétés, il faut consulter les outils technologiques d’aide à la décision. Bref, il faut apprendre beaucoup de choses.
Les fortes précipitations dans certains endroits s’opposent à des régions où le manque d’eau se fait cruellement sentir. Cette mauvaise répartition des pluies contraint le secteur agricole à opérer une gestion efficace de cette ressource essentielle. Il faut pouvoir stocker l’eau quand elle tombe en abondance pour être capable d’irriguer toute l’année lorsque les périodes de sécheresse s’installent. Pour pallier ce stress hydrique toujours plus prégnant, les agriculteurs investissent dans des solutions techniques comme le matériel d’irrigation aux performances toujours plus élevées ainsi que dans des outils de pilotage. Toutefois, ces solutions ne vont pas sans poser des difficultés et comme le rappelle le directeur scientifique chez Arvalis, Stéphane Jézéquel, : « cela nécessite une adhésion des acteurs de la société autour d’un projet agricole et alimentaire commun, et peut s’avérer très coûteux pour les agriculteurs. »
Pour rappel, « Arvalis - Institut du végétal est un institut technique agricole français ayant le statut d'association loi de 1901, membre de l'ACTA, réalisant de la recherche appliquée agricole, financé et géré par les producteurs de céréales, de pommes de terre, de lin, de tabac et de fourrages, avec le concours des interprofessions (Intercéréales, GNIS, FNPSMS, CNIPT, GIPT, CIPALIN) et des fonds de financement de la recherche (CASDAR) - source : Wikipedia –
En outre, le stress hydrique amène à une étude préalable primordiale afin d’établir le bon choix des variétés à travailler. Pour cela, les agriculteurs ont besoin d’etre conseillés et accompagnés. Si l’on prend l’exemple des céréales, Stéphane Jézéquel nous explique qu’: «Arvalis s’est doté d’équipements expérimentaux de pointe pour étudier la tolérance au stress hydrique des variétés (Phénofield, phénomobile, PheBe, ...) et collabore avec les sélectionneurs français pour mettre à la disposition des agriculteurs des variétés mieux adaptées aux conditions sèches ».
Les agriculteurs peuvent également compter sur la technologie pour faire évoluer leurs métiers. C’est le cas pour ce que l’on appelle les OAD ou outils d’aide à la décison. Il s’agit de techniques permettant : "d’ajuster les traitements, grâce à la modélisation de la croissance des plantes pour prévoir les stades de culture et les risques de maladie en fonction de la météo , permettant ainsi de cartographier l’état de nutrition des cultures de blé grâce à la télédétection par satellite pour connaître la dose d’engrais à apporter (ou non) au bon endroit et au bon moment… ». Il est même possible de « calculer en temps réel l’état de la réserve en eau du sol, mais aussi les dates prévisionnelles des stades qui impactent sur la sensibilité au stress hydrique de la culture. »
Ces outils sont des atouts précieux pour accompagner la transition écologique de l’agriculture et la faire « basculer dans une agriculture de précision offrant plus de réactivité et de visibilité pour la production et, par conséquent, tenter de sécuriser un peu plus les revenus. »
Comme tous les autres secteurs d’activité, l’agriculture n’échappe pas à l’objectif essentiel : la décarbonation. Ici encore, l’agriculture relève les défis afin de diminuer son bilan carbone, et ce dans tous les domaines, y compris celui de la logistique qui compte pour une part non négligeable.
De part l’essence même de son activité, l’agriculture possède les clés pour y parvenir. Comme le souligne Philippe Dubief, agriculteur et président de l’association Passion Céréales, : « Les grandes cultures sont de véritables puits de carbone. Les productions agricoles peuvent capter et stocker naturellement du carbone dans la biomasse et dans les sols, grâce au mécanisme naturel de photosynthèse. »
D’ailleurs, certaines techniques ont été mises au point et montrent une réelle efficacité. Citons, par exemple, les implantations de couverts végétaux. La méthode consiste à recouvrir le sol de couverts végétaux entre deux cultures principales afin d’emprisonner le carbone. D’après les données fournies par Arvalis : «les couverts permettent de stocker en moyenne 240 kg de carbone par hectare chaque année. »
Une autre pratique est particulièrement intéressante. Les cultures intermédiaires à vocation énergétique ou CIVE. Ces cultures ont une destination énergétique comme la méthanisation et ainsi remplacer le carbone fossile. Son principe est simple comme l’explique le membre de l’association : « elles sont positionnées entre deux cultures principales, en hiver (semées en fin d’été et récoltées en printemps) ou en été (semées en été et récoltées à l’automne). Trois cultures sont ainsi produites en deux ans (deux alimentaires et une énergétique).
D’ailleurs dans le même esprit, il est important de savoir qu’une : « méthodologie bas carbone grandes cultures a été déposée fin 2020 et est aujourd’hui en cours de validation par le ministère de la transition écologique ». « À court terme, cela permettrait de calculer le crédit carbone des exploitations de grandes cultures, qui pourront alors être proposées par des porteurs de projets à l’achat auprès de toute entreprise et collectivité qui cherchera à compenser ses émissions. »
Au final, nous voyons bien que l’ensemble de la filière agricole est mobilisée pour mener une transition écologique efficace et pérenne. Les défis sont nombreux et de taille dans un secteur en pleine mutation mais chaque acteur prend les mesures indispensables pour les relever les uns après les autres. Ne plus subir mais agir pour être les maitres de leurs destinés et amener leurs fantastiques professions vers ce que Stéphane Jézéquel appelle : « une agriculture nourricière et fédératrice.
Publié le 22/04/2021 17:51
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