Le 11 mars 2011, le monde assistait en direct à une catastrophe nucléaire majeure. Nous gardons tous en mémoire l’image de l’explosion du réacteur d’une centrale ainsi que des vagues destructrices qui ont déferlé sur les cotes. Un tremblement de terre de magnitude 9 fut à l’origine d’un scenario dévastateur et meurtrier nous poussant à nous interroger à nouveau sur la place du nucléaire dans nos sociétés. Cela se passait au Japon dans la ville de Fukushima il y a 10 ans.
Le pays a commémoré, hier, le triste anniversaire de ce qui a été la deuxième plus grande catastrophe de centrale nucléaire de l'histoire. Elle a été classée au niveau 7 qui représente le rang le plus élevé sur l'échelle internationale des événements nucléaires (INES). Elle est au même niveau de gravité que la catastrophe de Tchernobyl qui eut lieu en 1986.
Cette date anniversaire est l’occasion de faire le point sur la politique nucléaire envisagée par les autorités japonaises pour les années à venir et de mesurer le clivage existant entre le gouvernement et sa population en matière de production énergétique.
L’accident de Fukushima a contraint le gouvernement japonais à stopper un grand nombre de ses centrales nucléaires. Pour compenser le déficit énergétique ainsi créé, le gouvernement s’est tourné vers l’énergie fossile. Les cent quarante centrales au charbon du pays ont tournée à plein régime pendant plusieurs années. Elles produisent à elles seules un tiers de l’électricité du pays. A cela vient s’ajouter d’autres sources thermiques telles que le pétrole et le gaz naturel liquéfié. Ces sources d’énergie fossiles sont bien évidement fortement émettrices de CO² et s’accordent mal avec les engagements des nations à lutter contre le réchauffement climatique dont le Japon entend bien faire partie. Avec son rang de 5eme émetteur de carbone au monde, le gouvernement japonais réagit et choisit de relancer le nucléaire. Son objectif est double : atteindre 20 à 22 % d'électricité d'origine nucléaire à horizon 2030 et réduire de 80 % ses émissions de gaz à effet de serre entre 2013 et 2050. Quand on sait que les énergies fossiles représenteront 56 % du besoin total énergétique du pays en 2030, on se doute que le Japon va devoir déployer des moyens considérables pour atteindre son objectif de 2050. Dans un premier temps, il s’agit de remettre en route son parc nucléaire actuel et de le compléter avec la construction de nouvelles centrales.
Toutefois, ce plan de relance nucléaire est loin de faire l’unanimité au sein de la classe politique japonaise mais également au sein de la population. A l’image de l’ancien Premier ministre Junichiro Koizumi qui s’est exprimé le lundi 1er mars lors d’une conférence de presse : « « Le Japon dispose de beaucoup de sources d’énergie naturelles comme l’énergie solaire, l’hydroélectricité et l’énergie éolienne. Pourquoi devrions-nous utiliser quelque chose qui est plus cher et moins sûr ? ».
La population, quant à elle, profondément traumatisée par la catastrophe, partage cet avis. En effet, un récent sondage a montré qu’un grande majorité était en faveur d’une diminution du parc, voire même de son arrêt complet pour se tourner vers des sources d’énergies renouvelables.
Le gouvernement, conscient des craintes, tente de rassurer sa population en déclarant que le nucléaire fera l’objet d’une attention particulière en vue d’une sécurité optimale. Il souhaite surtout rallier un maximum de suffrages à son plan de relance en mettant en avant l’indispensable indépendance énergétique du japon ainsi que la lutte contre les dérèglements climatiques auxquels le pays est de plus en plus exposé. C’est en ce sens que Le ministre de l’Industrie, Hiroshi Kajiyama, confirmait au Financial Times, début février que « l’énergie nucléaire sera essentielle si le Japon veut atteindre son objectif d’émissions de carbone nettes nulles d’ici 2050 ». Le gouvernement japonais met aussi en avant la puissance limitée des énergies renouvelables. Elles ne seraient capable de fournir qu’environ 60 % des besoins en électricité du pays. Pourtant, comme l’a montré l’institut des politiques énergétiques durables (Isep), le Japon possède la troisième plus grande installation photovoltaïque au monde après la Chine et les Etats-Unis, mais ce sera insuffisant pour éviter les coupures d’électricité. Le Japon ne pourra pas faire l’impasse du nucléaire dans son mix énergétique.
Sujet délicat s’il en est, le gouvernement japonais doit également faire face à des critiques à l’international concernant son exportation, dans des pays en voie de développement, de centrales au charbon. En 2019, Greenpeace a montré que : » les centrales à charbon financées par le Japon dans les pays en développement d’Asie (essentiellement en Indonésie, au Bangladesh et au Vietnam) sont quinze à quarante fois plus polluantes que les centrales construites au Japon depuis 2012. »
Que le gouvernement japonais veuille se mettre en conformité avec l’Accord de Paris et ainsi renforcer son image est une excellente chose, néanmoins le dérèglement climatique est une menace mondiale. Il faudra donc montrer davantage que des engagements forts à l’intérieur de ses frontières pour être crédible et cohérent.
Publié le 12/03/2021 17:42
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